par chtiman » Mar Sep 18, 2007 3:38 am
mardi 18 septembre
«Dans les cités, les voyous sont à 95% dans les stups»
Interview de Jérôme Pierrat, auteur de Gangs de Paris (éditions Parigramme, 29 euros).
En plus de la sortie de votre livre, on retrouvera en octobre sur grand écran Le Dernier Gang, sur le gang des postiches, et une nouvelle adaptation du Deuxième Souffle, tandis que le tournage de Mesrine s'est achevé cet été dans la capitale. Comment expliquez-vous cette activité autour des gangsters à l'ancienne ? Une forme de nostalgie ?
Les histoires de banditisme sont souvent racontées des années après les faits. On traite rarement d'affaires en cours. Mais effectivement, il y a une culture du banditisme et du milieu qui s'est un peu perdue de nos jours, parce que les « acteurs » d'aujourd'hui sont moins folkloriques. La disparition du banditisme né dans les années 1970 marque la fin du milieu traditionnel à la française, et a laissé la place à une autre culture, celle des banlieues, peut-être un peu plus froide. Les voyous des cités ont compris qu'il valait mieux éviter de se montrer dans des bistrots où il y a 1.000 ans de prison au comptoir et 50 photographes de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) en face. Encore faut-il relativiser tout cela, car les années 1970 avaient été marquées par l'explosion d'une violence inouïe, et on disait déjà que le milieu traditionnel était mort. On regrettait les années 1950, les costumes croisés et les tractions avant. C'était toujours mieux avant...
Malgré tout, on a le sentiment qu'aujourd'hui, on monte moins de gros coups que dans les années 1980-1990...
C'est la société qui a évolué. Le hold-up était très pratiqué dans les années 1970 et 1980, mais aujourd'hui on est arrivé à de tels niveaux de sécurité dans les banques, les fourgons sont tellement blindés, que cela devient très compliqué. Un braquage nécessite beaucoup d'apprentissage, une équipe nombreuse, des explosifs, et en plus c'est très risqué. Il y a bien eu quelques attaques de fourgons au début des années 2000, mais c'était le fait d'une cinquantaine de personnes qui ont quasiment toutes été arrêtées. Les imitateurs qui restent ne réussissent jamais. Dans les cités, les délinquants sont à 95 % dans les stups, car il n'y a rien de plus rentable. Ça a commencé avec le shit il y a quinze ans, et maintenant c'est la coke. Un kilo de coke acheté en Espagne vaut 15.000 euros, et il est revendu 37.000 euros à Paris.
C'est donc la drogue qui a changé la donne ?
Complètement. C'est ce qui a fait «monter» les gens des cités. Jusque dans les années 1980, ils n'étaient que de simples revendeurs, le dernier maillon de la chaîne. A un moment ils se sont dit : «Pourquoi continuer à faire les revendeurs pour ces balourds qui nous vendent les produits trois fois leur prix, alors qu'il existe deux supermarchés à ciel ouvert, la Costa del Sol et Amsterdam, et que 80% de la came passe par la banlieue?» Dans un premier temps ils manquaient de logistique, alors ils volaient une bagnole, la chargeaient, et revenaient vite dans leur cité. C'est ce qu'on appelait le «go fast». En parallèle le phénomène des armes s'est répandu. Cela a été nécessaire pour faire régner l'ordre et calmer les envieux. Ils ont ainsi grandi en indépendant, et les voyous du milieu traditionnel sont obligés de passer par eux. Au début, on ricanait devant eux, aujourd'hui certains se déplacent au Venezuela, en Colombie, pour s'asseoir à la table des cartels.
Le phénomène de bandes, dont on reparle depuis quelques jours, a-t-il un lien avec cette criminalité ?
Il ne faut pas confondre délinquance de groupe et crime organisé. On n'est pas dans la même dimension. Quand vous avez cinquante mômes qui se battent devant tout le monde à la gare du Nord, si c'était pour le contrôle d'un trafic, ce serait très maladroit. Il s'agit essentiellement de petits délinquants. A titre de comparaison, depuis cinq mois à Stains (Seine-Saint-Denis), il y a une série de règlements de comptes. On en est déjà à cinq morts. Là il y a du business, car l'enjeu c'est l'approvisionnement de l'héroïne sur les cités de Sevran, Epinay, Pierrefitte et Stains, qui est ensuite redistribuée sur l'ensemble de la France. Eux, vous ne les verrez pas se battre à la gare du Nord.
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