par chtiman » Lun Oct 22, 2007 3:34 am
les 20 et 21 octobre
La lettre de Guy Moquet : la lire ou bien ne pas la lire...
Quand le chef de l'Etat donne une leçon d'histoire. Aujourd'hui, les professeurs de chaque lycée de France sont priés de faire résonner les ultimes mots de Guy Môquet, ce résistant communiste fusillé par les nazis à Châteaubriant (Loire-Atlantique) le 22 octobre 1941. «Je vais mourir ! Mais je souhaite de tout mon coeur que ma mort serve à quelque chose. Soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !», écrivait le jeune homme de 17 ans avant d'être mené devant le peloton d'exécution. Or, le 16 mai dernier, lors d'une cérémonie d'hommage à de jeunes fusillés à Paris, Nicolas Sarkozy, tout juste élu président, a souhaité que cette lettre soit lue dans tous les lycées publics et privés sous contrat. Depuis, David Martinon, porte-parole de l'Elysée, a précisé que la lecture est «obligatoire» mais «sans logique de sanction».
Cette initiative suscite depuis le début une polémique, gonflée par le zèle de Bernard Laporte, l'entraîneur de l'équipe de France de rugby, qui a fait lire la lettre à ses joueurs avant leur premier match. Syndicats d'enseignants et partis de gauche dénoncent une tentative de récupération politique. Et les historiens mettent en garde contre les risques de manipulation de l'histoire, tout en louant la volonté de raviver la mémoire de la Résistance. «Ce que certains d'entre nous n'admettent pas, c'est que les profs doivent enseigner des vérités d'Etat», explique Jean-Pierre Azema, spécialiste du régime de Vichy.
Du coup, la résistance s'organise dans les lycées : de nombreux profs ont décidé de boycotter la lecture, certains prévoient de piocher parmi les textes sur la Résistance proposés par Xavier Darcos, ministre de l'Education. Ailleurs, «on va profiter de l'occasion pour essayer de comprendre avec nos élèves ce qui relève d'un hommage et ce qui tient de la manipulation», explique Yannick Lesné, membre de SUD-Education. In fine, chaque enseignant est donc libre de faire le commentaire qu'il veut de cette lettre. Chauds débats en perspective.
Tout ce que vous devez savoir sur la lecture de la lettre de Guy Môquet
Qui est Guy Môquet?
Jeune militant communiste, il a été fusillé par les nazis en 1941 en représailles à la mort de Karl Hotz, un militaire allemand tué par la résistance. Figure de la mémoire communiste, la lettre qu'il a écrite à sa famille juste avant de mourir à l'âge de 17 ans est célèbre. Le jour de son investiture à l'Elysée, Nicolas Sarkozy l'a fait lire par une lycéenne au bois de Boulogne et annoncé qu'elle serait également lue chaque année à tous les lycéens de France.
Quelle forme prendra cette lecture?
Selon une note de service parue dans le Bulletin Officiel le 30 août, la journée du 22 octobre - date-anniversaire de la mort de Guy Môquet - doit commencer dans les lycées publics et privés sous contrat par la lecture de la lettre «en classe ou en grand groupe selon le choix des établissements». La lecture «pourra être confiée à tous ceux qui, résistants ou déportés, peuvent aujourd'hui encore témoigner directement des sacrifices consentis». Le ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, encourage les parlementaires à participer à ces lectures qui se poursuivront par «une réflexion collective dans le cadre de la classe». D'autres documents, notamment dix autres textes proposés par le ministère de l'Education, peuvent être utilisés. «C'est essentiellement les chefs d'établissement qui décideront de l'organisation mais les recteurs d'académie coordonnent en fonction de l'histoire locale de la résistance», explique-t-on rue de Grenelle.
Pourquoi certains enseignants refusent-ils de lire la lettre?
La qualité intrinsèque du contenu de la lettre semble faire l'unanimité. Mais la méthode est diversement appréciée. Le syndicat enseignant Snes-FSU (majoritaire) a ainsi appelé début octobre à «refuser» de participer à une «cérémonie commandée» par Nicolas Sarkozy. Selon lui, il n'est pas acceptable de «fonder l'enseignement sur le recours à l'émotion, ni obéir à une prescription du président venant perturber une progression pédagogique construite selon une logique précise s'inscrivant dans le respect des programmes».
Le principal syndicat des professeurs de lycées professionnels, le Snetaa-EIL, appelle également à refuser de lire la lettre «au service d'une politique» élyséenne.
Cette contestation fait suite à la spectaculaire lecture de la lettre le 7 septembre dernier par l'entraîneur Bernard Laporte avant le match de rugby France-Argentine. Un acte médiatique pas très au goût d'une partie de la communauté éducative.
Qu'en pensent les parents d'élèves?
Si la PEEP (droite) n'a pas réagi officiellement, la FCPE (gauche) considère que le «caractère obligatoire de la lecture risque de la cantonner au statut de gadget». «Seule une implication réelle des enseignants et un travail de fond sur l'époque et le conflit pourra du sens à cette lecture», estime-t-elle.
Et l'opposition?
Le parti communiste accuse la droite de «réviser l'histoire» car selon lui, l'engagement communiste de Guy Môquet n'est jamais rappelé dans les commémorations. «Nicolas Sarkozy ne nous rend pas sa mémoire en taisant son engagement politique», estime Olivier Dartigolles, le porte-parole du PCF. Le parti organisera le 22 octobre, avec le CGT, un rassemblement au métro parisien Guy Môquet, au cours duquel Marie-George Buffet prendra la parole.
Le PS, pour sa part, met en garde contre «l'instrumentalisation de l'histoire à des fins politiciennes». S'il dit «faire confiance aux enseignants» pour faire «les bons choix pédagogiques», il «déconseille fortement à ses élus de se substituer aux enseignants pour la lecture de cette lettre».
Et si n'êtes pas lycéen?
L'audiovisuel public a pensé à vous : «la lettre», un court métrage de deux minutes trente consacré aux derniers instants du résistant, est diffusé entre le 17 et le 22 octobre sur France 2, France 3, TV5 Monde et LCP-Assemblée nationale.
Le texte
Voici le texte de la lettre d'adieu de Guy Moquet, fusillé le 22 octobre 1941 à côté de Chateaubriant.
Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi.
Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas!
J’éspère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui je l’escompte sera fier de les porter un jour.
A toi, petit Papa, si je t’ai fait, ainsi qu’à petite Maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis et à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi ! Ma vie a été courte!
Je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous.
Je vais mourir avec Tintin, Michels.
Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi Maman, Serge, Papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant.
Courage!
Votre Guy qui vous aime
Dernières pensées : "Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir!"
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